Retrouvez le discours d’éloge prononcé par Christiane SCHMUCKLE-MOLLARD, présidente du jury 2020 des Prix et récompenses de l’Académie d’architecture, à l’attention de Corinne Vezzoni, médaillée d’or 2020 de l’Académie française d’architecture.
« Corinne Vezzoni est une architecte engagée dont I’oeuvre révèle le sens de la justesse, l‘intégration parfaite dans le paysage.
Marseille est sa ville. Sa conversation trahit très tôt les souvenirs de son enfance à Casablanca. Parmi ses références, Jean-François Zevaco, dont elle fréquenta, enfant, l’une des écoles, tient une place importante.
Elle rejoint Ia France en 1987 pour ses études à Luminy, au pied du massif des Calanques. Choix professionnel et géographique ne traduisent chez elle aucune filiation. Corinne Vezzoni est un esprit libre. « Je me sens méditerranéenne », dit-elle. Elle vit sa carrière comme un temps d’exploration, une quête d’ombres et de lumière, face a une nature azuréenne qu’elle juge parfois violente et qu’elle associe a un choc des extrêmes. Elle produit une oeuvre singulière, enracinée dans les rivages du Sud.
De Mare Nostrum a Terra Nostrum, il lui importe de travailler la matière qu’elle pétrit, coupe, taille, creuse. Sous l’écorce de l‘architecture, elle sculpte l’épaisseur des volumes. « L’homme part, lui-même, de la matière brute pour détourner sa condition primaire », affirme-t-elle. Pour le Centre de Conservation du MUCEM a Marseille, l’un de ses premiers projets, elle a imaginé avec ses associés Pascal Laporte et Maxime Claude, un lieu clos, un bloc à l’épiderme rugueux, une architecture puissante et sensuelle.
Le pôle d’échange de Ia Fourragère sur Ia ligne 1 du métro marseillais joue de cet imaginaire. Corinne Vezzoni a voulu raconter l’épaisseur, la profondeur et plus encore, la terre retenue par Ia force d’un ouvrage monumental de béton : le mur vertigineux se plie sous Ia pression exercée. La volumétrie prismatique qui naît de principes physiques permet de suivre subtilement Ia course du soleil.
« Le rapport à Ia matière m’intéresse » assure-t-elle. En Corse, l’architecte prône la méthode de pose traditionnelle observée sur les bergeries pour une élégante maison perchée sur le site rocheux. A Paris, pour un immeuble de bureaux, elle magnifie le verre dans un idéal subtil d’harmonie et de concorde avec le site. L’intimité qu’elle entretient fidèlement avec la géographie est un exercice savant. D’une recherche patiente d’indices, Corinne Vezzoni se fait I’auteur dune architecture de la trace, née de l’archéologie des territoires, de l‘étude de la nature. Elle coordonne dans la plus grande sagesse oeuvre et environnement.
Dans le contexte bruyant du Campus Sante Timone, Corinne Vezzoni, trouve les éléments nécessaires pour pacifier des situations que beaucoup auraient jugées à jamais perdues. En vis-a-vis de Ia barre moderne de I’architecte René Egger, tristement encombrée après bien des années de d’ajouts disparates, Corinne Vezzoni vient faire écho avec I’histoire en réalisant un cube lumineux, habille d’émaux jaunes : citation délicate du parti d’origine, clin d’oeil aimable, qui illumine un boulevard triste de Marseille.
Sites, traces, matériaux, couleurs, tout est source d’inspiration pour cette architecte radieuse. Corinne Vezzoni est lauteur d’une approche sensible, et de projets en réalisations, elle épouse toujours les paysages, elle respecte les sots.
Après bien d’autres distinctions, des 2001 pour les Trophées de l‘Habitat, Corinne Vezzoni a reçu en 2015 le Prix des Femmes Architectes et en 2019 le Prix du Jury du W.A.VE (Workshop Architecture Venise). Elle est Chevalier de l’Ordre des Arts et Lettres depuis 2013 et Chevalier de Ia Légion d’Honneur depuis 2017. Elle fut nominée au Grand Prix National d’Architecture en 2018.L’Academie d’Architecture, en lui décernant sa Grande MédailIle d’Or, reconnaît la pertinence d’un regard sur l‘architecture, le paysage, l’urbanisme, et l’exemplarité d’une pratique professionnelle exceptionnelle. »
Christiane SCHMUCKLE-MOLLARD